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Scandales de Carrefour et de Wal-Mart:
pratiques inadéquates sous couvert d'adaptation

Remise sur base de prix fictifs, prix bas sur l'étiquette et
élevé en caisse, et prix écrits en petits caractères sur
l'étiquette sont des tours de passe-passe adoptés par Carrefour
et Wal-Mart en Chine. Pour cela, la Commission d'État pour le
développement et la réforme a chargé les départements locaux des
prix de confisquer les recettes illégales et d'infliger une
amende cinq fois supérieure à celles-ci. Si les recettes
illégales sont nulles ou incalculables, les entreprises devront
payer une amende maximale de 500 000 yuans.
Avec l'implantation des entreprises étrangères en Chine qui ont
apporté des technologies avancées et une gestion de haut niveau,
les consommateurs chinois attendent de bons services. Mais
comment les géants internationaux de la vente au détail ont-ils
pu tremper dans le scandale de la tricherie sur les prix en
Chine ? Mme Li Huiying, directrice adjointe de l'institut de
coopération sur l'économie et le commerce international du
ministère du Commerce, a accordé à China.org.cn une interview
pour en expliquer les raisons.
D'après Mme Li, Carrefour est le deuxième plus grand groupe au
monde de vente au détail, et est entré en 1995 sur le marché
chinois. La chaîne de supermarchés américains Wal-Mart occupe
depuis trois années consécutives la tête du classement des 500
premières entreprises mondiales, et a implanté en 1996 son
premier supermarché à Shenzhen. Par la suite, profitant de leurs
avantages sur les prix, ces deux géants se sont étendus dans le
pays, créant respectivement 170 et 140 succursales en Chine.
Concernant leurs tricheries sur les prix, Li Huiying a avancé
les raisons suivantes :
Cause interne – l'avidité du capital
D'après Li Huiying, l'investissement recherche les profits
maximums à n'importe quel risque. Marx avait emprunté une
citation de Thomas Joseph Dunning, syndicaliste britannique : «
Le capital a horreur de l'absence du profit ou des petits
profits comme la nature a horreur du vide. Quand le profit est
adéquat, le capital devient audacieux. Garantissez-lui 10 pour
cent, et on pourra l'employer partout ; à 20 pour cent, il
s'anime ; à 50 pour cent, il devient carrément téméraire ; à 100
pour cent, il foulera aux pieds toutes les lois humaines ; à 300
pour cent, il n'est pas de crime qu'il n'ose commettre, même
s'il encourt la potence. » Depuis l'accumulation primitive des
capitaux jusqu'aux affaires Enron et Lucent, en passant par la
crise du crédit hypothécaire secondaire, celle des dettes
souveraines, le grand marasme économique, la catastrophe du
marché boursier et la crise financière au siècle dernier, tout
cela prouve l'avidité du capital. Aujourd'hui, les entreprises,
quelles que ce soient leurs formes, ont pour objectif de
rechercher les profits maximums. Les gestionnaires sont
responsables envers les actionnaires, en réalité envers leurs
capitaux. La nature interne du capital est la source du mal.
Cause externe – un environnement différent
En fait, les pays occidentaux sont très exigeants envers les
entreprises en matière de surveilleance et de contrôle, et les
pénalisent sévèrement lorsqu'elles commettent des fautes et des
infractions. Les entreprises payent très cher toute infraction.
Dans les pays européens et aux Etats-Unis, où le système
d'amende à caractère punitif a été mis en place, si un
détaillant vend des contrefaçons ou triche sur les prix, il sera
puni d'une amende suffisamment élevée pour le ruiner. C'est
pourquoi, les compagnies n'osent prendre de risques. Cependant,
les supermarchés étrangers se trouvent dans un environnement
différent en Chine.
D'abord, il s'agit de l'édification du système légal. En 30 ans
de réforme et d'ouverture, ce système s'est bien amélioré en
Chine, mais possède encore des lacunes. Il met l'accent en
particulier sur la promotion du développement économique.
Souvent, il se montre faible devant quelques phénomènes, et il
n'a pas mis en place de système punitif sévère. Les amendes peu
importantes encouragent souvent les infractions incessantes des
entreprises. En plus de cela, les problèmes de sécurité des
aliments et des médicaments, ainsi que l'apparition sans fin de
produits contrefaits et de produits de mauvaise qualité
inquiètent les consommateurs.
Pire, beaucoup de clauses de lois ne restent que sur le papier
et sont peu applicables avec une force de dissuasion faible. Du
fait que les autorités n'ont pas assumé la responsabilité qui
leur incombe et que les départements de surveillance et de
contrôle manquent à leur devoir, les entreprises, pour se
procurer des profits maximums, trompent les clients au mépris de
l'honnêteté et de la crédibilité commerciale.
Dans certains pays, les gouvernements peuvent définir un prix
plancher. Si le prix d'un article en vente est inférieur à ce
prix plancher, le détaillant sera pénalisé. Cette mesure permet
aux détaillants d'indiquer le prix sur l'étiquette et
d'abandonner la concurrence déloyale. En Europe et aux
États-Unis, des organisations professionnelles et des
associations commerciales se sont formées, et des mécanismes de
coordination des coûts de revient et des prix ont été mis en
place afin de profiter au maintien de l'ordre du marché. Mais
tout cela est absent en Chine. Beaucoup de détaillants qui ont
commis des tricheries sur les prix n'ont pas été pénalisés. Le
capital recherche des profits, et les points faibles des lois
contribuent à pousser les entreprises à l'infraction.
Pratiques inadéquates sous couvert d'adaptation
D'après Li Huiying, la législation chinoise laisse à désirer. La
punition pour les infractions est légère et les règles
clandestines sont répandues, entraînant la négligence de la
crédibilité commerciale et encourageant l'apparition de
tendances malsaines dans la société. Les entreprises étrangères
implantées en Chine exploitent le plus possible marché chinois,
recherchent des profits maximums et disent s'adapter aux
coutumes locales.
Li Huiying estime que pendant plusieurs années, les géants comme
Siemens, IBM, Diagnostic Produits et Lucent, ont été impliqués
dans des affaires de corruption en Chine. La corruption
commerciale comprend des voyages à l'étranger, des frais de
consultation et des frais de conseil, et touche les secteurs
médical, financier, des assurances et des télécommunications.
Sous prétexte d'adaptation, certaines multinationales croient
que ce sont des frais d'études à payer obligatoirement.
Un employé d'une entreprise étrangère explique en toute
franchise : « Si l'entreprise respecte les règles clandestines,
elle sera peut-être pénalisée, mais la perte ne sera pas grande.
Si elle y désobéit, elle sera rejetée par le marché chinois. En
pesant le pour et le contre, il n'y a pas de choix. »
Selon l'analyse de Li Huiying, rester pur et intègre n'est pas
une chose facile, et si vous ne vous adaptez pas aux coutumes du
pays, c'est encore plus difficile. C'est l'une des raisons pour
laquelle, les géants de la vente au détail ne peuvent pas penser
à leur propre perfectionnement. De par leur position, ils sont
l'objet de l'actuelle mise en ordre du marché.
Mme Li souligne que ces multinationales ont appris par cœur deux
proverbes chinois « transformer l'environnement » et « s'adapter
aux coutumes du pays », et ont agi selon ces principes. Mais ce
n'est pas une chose plaisante.
Suggestions sur le développement de l'environnement de
l'économie de marché en Chine
Après 30 ans de réforme et d'ouverture, la Chine s'efforce
toujours de construire un état de droit et de perfectionner
l'économie de marché afin de fournir aux entreprises un
environnement caractérisé par une concurrence loyale.
Actuellement, on envisage que ce soit un long chemin à parcourir.
La Chine est une société où l'on prête attention plutôt aux
sentiments humains, et la conscience en matière de droit n'a pas
gagné le cœur de la population. Cela pourrait être lié à
l'histoire et à la tradition de la Chine.
Mme Li souligne encore que la Chine a appris beaucoup de choses
dans les domaines de l'édification des systèmes, de l'économie
de marché et de l'état de droit auprès de l'Occident. Mais le
résultat n'est pas tel qu'on le pense. Ce problème est à
l'origine de la différence environnementale et culturelle.
Dans la société occidentale, la législation est perfectionnée.
Elle a atteint sa maturité et possède une force contraignante
puissante. Le gouvernement, l'entreprise et l'individu ont une
conduite normalisée, et chacun s'occupe de ses affaires. Ils
savent quelle limite ne peut être franchie, et sont conscients
qu'une infraction coûtera très cher. Mais à l'intérieur des
bornes fixées, ils jouissent d'une liberté sur laquelle personne
ne peut intervenir.
La culture chinoise préconise, depuis l'antiquité, la
gouvernance par la vertu et la loyauté, et estime que la loi
doit entendre raison. La loi doit en d'autres termes être souple
et discutable. Elle s'appuie sur la moralité et néglige sa force
contraignante. La recherche excessive des changements, ainsi que
le non-respect de la loi et son application non vigoureuse ont
aidé les personnes avides de gain à se lancer dans la
spéculation. De ce fait, notre société devra passer de la
gouvernance du pays par la volonté de la minorité, à la
gouvernance en vertu de la loi.
Li Huiying estime que l'énergie de l'entreprise est plus grande
que celle d'un individu et qu'elle cause plus de nuisances à la
société. C'est pourquoi, en Europe et aux États-Unis, la
punition pour l'entreprise est beaucoup plus sévère que pour
l'individu. Mais dans notre pays, c'est le contraire. Sous
prétexte de stabiliser le marché et de maintenir la croissance
économique, on traite ce problème souvent de façon souple. Les
autorités locales cherchent toujours à protéger les grandes
entreprises influentes et leur infligent une amende légère. Cela
ne peut correspondre à un châtiment exemplaire. Tolérer le mal,
c'est l'encourager. Résultat, l'ordre du marché et de la société
est rompu, ce qui est n'est pas bénéfique au développement
durable.
Li Huiying résume la situation ainsi, les multinationales
implantées en Chine connaissent bien la réalité de la Chine.
Sous l'impulsion des profits, elles cèdent. C'est la nature du
capital qui est déterminante. L'environnement de la Chine est
peut-être susceptible de causer des infractions, et les
punitions légères peuvent encourager la multiplication des
délits. Ce phénomène mérite réflexion et nous rappelle que nous
devons continuer à avancer sur la voie de la réforme.
china.org.cn 2011/03/28
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